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L’acteur et le scénario: Au-delà des mots sur le plateau d’Alertes
La force d’une scène tient souvent à des éléments qui échappent à une lecture rapide du scénario. Le métier d’acteur consiste en grande partie à déceler et à incarner ces subtilités. Même un échange bref, quelques mots anodins en apparence, demande de sonder les motivations profondes, de choisir une intonation, un regard. C’est dans cette quête de précision, où chaque silence peut être aussi signifiant qu’une réplique, que se joue la réussite de l’interprétation.
Alertes : Quand le personnage résiste à l’acteur
À la première lecture, la scène principale où mon personnage intervenait semblait relativement simple, voire engageante. Il s’agissait d’incarner un agent de la Sécurité du Québec [adaptation du nom de la SQ utilisée dans la série Alertes], l’un des premiers répondants sur les lieux d’un enlèvement de nouveau-né.
(Voici ci-dessous un extrait du script avec les lignes de dialogue et la mise en situation à laquelle je fais référence.)

Toutefois, une analyse plus approfondie a révélé une complexité inattendue. Le scénario indiquait que le personnage devait exprimer de la confusion, de la nervosité, un sentiment d’être dépassé par la situation. Or, cette caractérisation soulevait une question : comment justifier une telle réaction chez un sergent d’expérience, certes confronté à un drame horrible, mais néanmoins formé pour gérer ce type de crise ? Cette dissonance entre la directive du script et la logique présumée du personnage s’est avérée difficile à résoudre. Après avoir exploré diverses avenues de jeu sans succès probant, j’ai convenu qu’un regard extérieur était nécessaire. J’ai donc sollicité l’aide de Valérie Le Maire, actrice et coach, pour m’accompagner dans l’exploration de cette scène dont la simplicité apparente masquait une réelle difficulté d’interprétation.
Trouver l’ancrage dans le script
Valérie m’a accueilli avec sa sagesse habituelle, me disant d’emblée : « Tout est dans le script, il faut juste le décortiquer. » Sa méthode a été de me guider pour trouver un ancrage personnel, quelque chose de proche de ma propre réalité pour le transposer dans la situation imaginaire du personnage. Elle m’a suggéré de puiser dans mon expérience de père. « Ça pourrait être ta fille qui vient de se faire enlever… », m’a-t-elle dit.
Puis, elle m’a fait visualiser les éléments concrets de la scène décrits dans le script : « Imagine la scène, il y a une poussette renversée par terre, du ruban jaune partout pour sécuriser le périmètre, des agents de la SQ habillés en tenue de protection pour ne pas contaminer la scène de crime… Trouve quelque chose de fort… Imagine que tu regardes le ruban jaune… Imagine que tu regardes la poussette par terre… C’est ça », m’a-t-elle guidé. « Fixe la poussette et défile tes lignes… »
Immédiatement, une lourdeur s’est installée en moi, une gravité qui n’était pas de la simple nervosité, mais le poids insoutenable de l’horreur qui pourrait toucher ma famille. Cette émotion justifiait alors la lenteur du débit de mon personnage, sa déstabilisation même. Le fait qu’il se sente déstabilisé par l’idée que ça pourrait être sa propre fille ajoute une couche d’inquiétude : celle d’avoir possiblement, dans ce choc, oublié quelque chose d’essentiel dans son travail protocolaire. Valérie venait d’ouvrir la porte que je n’arrivais pas à trouver, permettant à la construction de mon personnage et à la préparation de ma scène principale de toucher à du tangible dans une situation imaginaire.
Le travail de répétition avec ma Belle Annick
Suite à cette séance révélatrice avec Valérie, le travail pour incarner pleinement le Sergent Reid s’est poursuivi, cette fois dans l’affinage et la répétition. J’ai l’immense bonheur et privilège de pouvoir compter sur l’aide précieuse de mon amoureuse, Annick Benoit. Avec sa solide formation en théâtre et son œil d’une justesse incroyable, Annick est mon roc pour préparer auditions et scènes.
Au fil des jours et semaines qui ont précédé le tournage, nous avons repris le travail initié avec Valérie. Nous avons répété, cherché, creusé les scènes, explorant chaque nuance du personnage, chaque intention derrière les lignes, jusqu’à trouver la posture et l’émotion juste pour ce sergent confronté à l’impensable. C’est un processus rigoureux et intime, où la confiance mutuelle permet d’aller loin dans la recherche. Ce travail a porté ses fruits le jour où Annick m’a dit, avec sa sincérité habituelle : « Ton Sergent Reid est attachant, j’y crois ». Cette validation, venant d’une personne dont je connais la rigueur et l’œil affûté, a été mon véritable signal que j’étais prêt pour le tournage.
Alerte, tout peut changer…
L’effervescence palpable dès mon arrivée sur le plateau d’Alertes était impressionnante. On sentait une machine bien huilée, orchestrée par une équipe formidable. Situé dans un bâtiment sur la Rive-Sud aux allures discrètes, presque institutionnelles, rappelant les bureaux de la SQ… Mon appel plateau étant fixé à 6h, et venant de la Rive-Nord, je m’étais accordé une marge de sécurité pour anticiper les aléas de la circulation sur l’île de Montréal. Nathalie Lacoste, la deuxième assistante à la réalisation, m’a accueilli chaleureusement et m’a conduit à ma loge en m’informant qu’on m’apporterait mon costume sous peu. Effectivement, quelques minutes plus tard, Fanny, l’habilleuse, arrivait avec l’habit de Sergent Reid et des sous-vêtements thermiques. « Je t’encourage à enfiler ces vêtements chauds, il fait un peu frisquet et vous serez dehors toute la journée, » me conseilla-t-elle avec un sourire. Direction le maquillage ensuite. Peu de travail nécessaire, si ce n’est estomper légèrement mes cernes – un coup de baguette magique qui me rajeunit d’une décennie ! On me proposa même une touche de crème solaire, prévoyant notre journée sous le soleil. Voilà, prêt en un clin d’œil. On m’indiqua que le transport m’attendait pour me conduire sur les lieux du tournage, à une vingtaine de minutes en voiture, à Mont Saint-Hilaire : « C’est la minifourgonnette rouge dehors, on t’attend avec quatre autres acteurs. » Je montai sur la banquette arrière, m’asseyant aux côtés de Frédéric Pierre, avec devant moi Julie Du Page, Isabelle St-Jacques Latour et Mylène St-Sauveur. En route !
Une fois arrivés, nous avons pris connaissance des lieux. L’équipe nous a remis nos accessoires de policiers : ceinture utilitaire complète, radio, veste pare-balles. Ensuite, direction la salle d’attente.
Avant de plonger dans l’action avec Mylène (Lily-Rose) et Frédéric (Renaud), petite mise au point sur nos scènes. Le scénario décrivait mon personnage, le Sergent Reid, comme ayant un débit lent qui agace Lily-Rose. Intrigué, j’ai sondé Mylène.
« En fait, mon personnage est plutôt empathique, surtout dans une situation d’enlèvement d’enfant, » m’explique-t-elle, s’éloignant un peu du texte. Frédéric renchérit : « Et moi, je montre l’urgence en partant brusquement, frustré par le manque d’indices. » Ces échanges précieux nous ont permis d’ajuster notre jeu pour une chimie plus naturelle à l’écran.
Sur le plateau : Quand le réalisateur change les règles du jeu
J’étais prêt à offrir un Sergent Reid marqué par les événements, un peu déstabilisé. Mais à la dernière seconde avant de tourner, le réalisateur Julien Hurteau m’interpelle : « Oublie la nervosité décrite dans le scénario. Ça casse le rythme et on risque de perdre le public. Ton personnage doit être efficace, professionnel. Il livre l’information clé à Lily-Rose et Renaud, c’est ça qui compte. »
Changement de cap ! Toute la psychologie complexe que j’avais mis des heures à peaufiner devait s’ajuster sur-le-champ. Honnêtement, je comprenais très bien. J’avais moi-même trouvé cette description un peu étrange lors de ma lecture initiale. C’est la réalité du métier, surtout à la télé : l’histoire prime, et il faut savoir s’adapter rapidement.
Ça illustre parfaitement ce que le réputé coach d’acteurs Tom Todoroff nous enseignait : pratiquez vos scènes de toutes les manières possibles – en riant, en pleurant, en criant – pour pouvoir réagir sans problème si le réalisateur demande autre chose à la dernière minute. Être prêt à tout, c’est le secret pour garder son calme et performer, peu importe la surprise.
L’astuce pour garder l’âme du personnage
Par contre, ça ne signifie pas que le personnage devient une coquille vide ! La complexité de Reid, son bagage, je les portais en moi. Ce sont les actions qui ont changé, pas l’essence. Pour réussir ça, j’ai appliqué un conseil formidable de la coach Valérie Le Maire : « Imagine que Reid est le personnage principal d’une autre série, et qu’il fait juste une courte apparition dans Alertes. » Quelle bonne idée ! Ça m’a permis de conserver la profondeur du personnage, ce que Stella Adler appelait « donner de la grandeur » à ses rôles, même avec une approche plus directe imposée par l’intrigue.
D’autres projets auxquels j’ai participé

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L’acteur et le scénario: Au-delà des mots sur le plateau d’Alertes
La force d’une scène tient souvent à des éléments qui échappent à une lecture rapide du scénario. Le métier d’acteur consiste en grande partie à déceler et à incarner ces subtilités. Même un échange bref, quelques mots anodins en apparence, demande de sonder les motivations profondes, de choisir une intonation, un regard. C’est dans cette quête de précision, où chaque silence peut être aussi signifiant qu’une réplique, que se joue la réussite de l’interprétation.
Alertes : Quand le personnage résiste à l’acteur
À la première lecture, la scène principale où mon personnage intervenait semblait relativement simple, voire engageante. Il s’agissait d’incarner un agent de la Sécurité du Québec [adaptation du nom de la SQ utilisée dans la série Alertes], l’un des premiers répondants sur les lieux d’un enlèvement de nouveau-né.
(Voici ci-dessous un extrait du script avec les lignes de dialogue et la mise en situation à laquelle je fais référence.)

Toutefois, une analyse plus approfondie a révélé une complexité inattendue. Le scénario indiquait que le personnage devait exprimer de la confusion, de la nervosité, un sentiment d’être dépassé par la situation. Or, cette caractérisation soulevait une question : comment justifier une telle réaction chez un sergent d’expérience, certes confronté à un drame horrible, mais néanmoins formé pour gérer ce type de crise ? Cette dissonance entre la directive du script et la logique présumée du personnage s’est avérée difficile à résoudre. Après avoir exploré diverses avenues de jeu sans succès probant, j’ai convenu qu’un regard extérieur était nécessaire. J’ai donc sollicité l’aide de Valérie Le Maire, actrice et coach, pour m’accompagner dans l’exploration de cette scène dont la simplicité apparente masquait une réelle difficulté d’interprétation.
Trouver l’ancrage dans le script
Valérie m’a accueilli avec sa sagesse habituelle, me disant d’emblée : « Tout est dans le script, il faut juste le décortiquer. » Sa méthode a été de me guider pour trouver un ancrage personnel, quelque chose de proche de ma propre réalité pour le transposer dans la situation imaginaire du personnage. Elle m’a suggéré de puiser dans mon expérience de père. « Ça pourrait être ta fille qui vient de se faire enlever… », m’a-t-elle dit.
Puis, elle m’a fait visualiser les éléments concrets de la scène décrits dans le script : « Imagine la scène, il y a une poussette renversée par terre, du ruban jaune partout pour sécuriser le périmètre, des agents de la SQ habillés en tenue de protection pour ne pas contaminer la scène de crime… Trouve quelque chose de fort… Imagine que tu regardes le ruban jaune… Imagine que tu regardes la poussette par terre… C’est ça », m’a-t-elle guidé. « Fixe la poussette et défile tes lignes… »
Immédiatement, une lourdeur s’est installée en moi, une gravité qui n’était pas de la simple nervosité, mais le poids insoutenable de l’horreur qui pourrait toucher ma famille. Cette émotion justifiait alors la lenteur du débit de mon personnage, sa déstabilisation même. Le fait qu’il se sente déstabilisé par l’idée que ça pourrait être sa propre fille ajoute une couche d’inquiétude : celle d’avoir possiblement, dans ce choc, oublié quelque chose d’essentiel dans son travail protocolaire. Valérie venait d’ouvrir la porte que je n’arrivais pas à trouver, permettant à la construction de mon personnage et à la préparation de ma scène principale de toucher à du tangible dans une situation imaginaire.
Le travail de répétition avec ma Belle Annick
Suite à cette séance révélatrice avec Valérie, le travail pour incarner pleinement le Sergent Reid s’est poursuivi, cette fois dans l’affinage et la répétition. J’ai l’immense bonheur et privilège de pouvoir compter sur l’aide précieuse de mon amoureuse, Annick Benoit. Avec sa solide formation en théâtre et son œil d’une justesse incroyable, Annick est mon roc pour préparer auditions et scènes.
Au fil des jours et semaines qui ont précédé le tournage, nous avons repris le travail initié avec Valérie. Nous avons répété, cherché, creusé les scènes, explorant chaque nuance du personnage, chaque intention derrière les lignes, jusqu’à trouver la posture et l’émotion juste pour ce sergent confronté à l’impensable. C’est un processus rigoureux et intime, où la confiance mutuelle permet d’aller loin dans la recherche. Ce travail a porté ses fruits le jour où Annick m’a dit, avec sa sincérité habituelle : « Ton Sergent Reid est attachant, j’y crois ». Cette validation, venant d’une personne dont je connais la rigueur et l’œil affûté, a été mon véritable signal que j’étais prêt pour le tournage.
Alerte, tout peut changer…
L’effervescence palpable dès mon arrivée sur le plateau d’Alertes était impressionnante. On sentait une machine bien huilée, orchestrée par une équipe formidable. Situé dans un bâtiment sur la Rive-Sud aux allures discrètes, presque institutionnelles, rappelant les bureaux de la SQ… Mon appel plateau étant fixé à 6h, et venant de la Rive-Nord, je m’étais accordé une marge de sécurité pour anticiper les aléas de la circulation sur l’île de Montréal. Nathalie Lacoste, la deuxième assistante à la réalisation, m’a accueilli chaleureusement et m’a conduit à ma loge en m’informant qu’on m’apporterait mon costume sous peu. Effectivement, quelques minutes plus tard, Fanny, l’habilleuse, arrivait avec l’habit de Sergent Reid et des sous-vêtements thermiques. « Je t’encourage à enfiler ces vêtements chauds, il fait un peu frisquet et vous serez dehors toute la journée, » me conseilla-t-elle avec un sourire. Direction le maquillage ensuite. Peu de travail nécessaire, si ce n’est estomper légèrement mes cernes – un coup de baguette magique qui me rajeunit d’une décennie ! On me proposa même une touche de crème solaire, prévoyant notre journée sous le soleil. Voilà, prêt en un clin d’œil. On m’indiqua que le transport m’attendait pour me conduire sur les lieux du tournage, à une vingtaine de minutes en voiture, à Mont Saint-Hilaire : « C’est la minifourgonnette rouge dehors, on t’attend avec quatre autres acteurs. » Je montai sur la banquette arrière, m’asseyant aux côtés de Frédéric Pierre, avec devant moi Julie Du Page, Isabelle St-Jacques Latour et Mylène St-Sauveur. En route !
Une fois arrivés, nous avons pris connaissance des lieux. L’équipe nous a remis nos accessoires de policiers : ceinture utilitaire complète, radio, veste pare-balles. Ensuite, direction la salle d’attente.
Avant de plonger dans l’action avec Mylène (Lily-Rose) et Frédéric (Renaud), petite mise au point sur nos scènes. Le scénario décrivait mon personnage, le Sergent Reid, comme ayant un débit lent qui agace Lily-Rose. Intrigué, j’ai sondé Mylène.
« En fait, mon personnage est plutôt empathique, surtout dans une situation d’enlèvement d’enfant, » m’explique-t-elle, s’éloignant un peu du texte. Frédéric renchérit : « Et moi, je montre l’urgence en partant brusquement, frustré par le manque d’indices. » Ces échanges précieux nous ont permis d’ajuster notre jeu pour une chimie plus naturelle à l’écran.
Sur le plateau : Quand le réalisateur change les règles du jeu
J’étais prêt à offrir un Sergent Reid marqué par les événements, un peu déstabilisé. Mais à la dernière seconde avant de tourner, le réalisateur Julien Hurteau m’interpelle : « Oublie la nervosité décrite dans le scénario. Ça casse le rythme et on risque de perdre le public. Ton personnage doit être efficace, professionnel. Il livre l’information clé à Lily-Rose et Renaud, c’est ça qui compte. »
Changement de cap ! Toute la psychologie complexe que j’avais mis des heures à peaufiner devait s’ajuster sur-le-champ. Honnêtement, je comprenais très bien. J’avais moi-même trouvé cette description un peu étrange lors de ma lecture initiale. C’est la réalité du métier, surtout à la télé : l’histoire prime, et il faut savoir s’adapter rapidement.
Ça illustre parfaitement ce que le réputé coach d’acteurs Tom Todoroff nous enseignait : pratiquez vos scènes de toutes les manières possibles – en riant, en pleurant, en criant – pour pouvoir réagir sans problème si le réalisateur demande autre chose à la dernière minute. Être prêt à tout, c’est le secret pour garder son calme et performer, peu importe la surprise.
L’astuce pour garder l’âme du personnage
Par contre, ça ne signifie pas que le personnage devient une coquille vide ! La complexité de Reid, son bagage, je les portais en moi. Ce sont les actions qui ont changé, pas l’essence. Pour réussir ça, j’ai appliqué un conseil formidable de la coach Valérie Le Maire : « Imagine que Reid est le personnage principal d’une autre série, et qu’il fait juste une courte apparition dans Alertes. » Quelle bonne idée ! Ça m’a permis de conserver la profondeur du personnage, ce que Stella Adler appelait « donner de la grandeur » à ses rôles, même avec une approche plus directe imposée par l’intrigue.